le LAUBIE, ex U766 : son histoire.
Publié : 09 mars 2010 15:36
Bonjour !
Voici pour ceux que l'histoire intéresse un peu, l'épopée méconnue d'un U-BOOT devenu FRANÇAIS le 9 Mai 1945, en assez bon état, lors de la libération de LA ROCHELLE, ville d'histoire miraculeusement épargnée par la guerre.
MIRACULEUSEMENT ???
Pas si sur !
Peu de ROCHELAIS connaissent aujourd'hui les faits qui ont sauvé la ville et ses 14000 habitants, ses trois ports, de pêche, de commerce et de guerre ainsi que toute la flottille de pêche et l'essentiel des infrastructures, alors que la quasi totalité des villes portuaire de l'atlantique ont été détruites par les bombardements allié de juillet à septembre 1944 ou par les combats de libération des poches de l'Atlantique !
Je l'ignorais moi aussi avant de construire ce modèle dont la deuxième vie n'aurait probablement pas été possible SANS la sauvegarde de LA ROCHELLE.
Le vieux port de LA ROCHELLE en 2006
Aujourd'hui, il ne reste que quelques photos, un trèfle à quatre feuilles en laiton et une anecdote de ce bâtiment qui a pourtant rendu de grands services à la Marine Française.
Ce trèfle est exposé dans l'escalier du Mess des Officiers de la base L'HERMINIER à TOULON.
1ére sortie opérationnelle du LAUBIE le 28 Août 1947 au large de La ROCHELLE.
L'U-766 était un U-BOOT de type VII-C standard qui a vu le jour le 29 Mai 1943 à WILHELMHAVEN ; il était en tout points semblable à
l'U-571 dont voici la photo prise le 7 Mai 1942 à La ROCHELLE - PALLICE lors de son retour de chasse.
Sous le commandement de l'Oberleutnant Hans-Dietrich WILKE, l'U-766 intègre le groupe d'entraînement de la 8eme Flottille à DANTZIG le 30 juillet 1943.
En Février 1944, soit plus de 6 mois plus tard, il entre au Kriegsmarine-werf à KIEL pour d'importantes modifications avant son affectation en flottille de combat.
Sur plusieurs points, l'U-766 est emblématique de cette période du conflit et sa courte carrière Allemande est intégralement liée aux événements :
Les Alliés décodent tous les messages Allemands car ENIGMA n'a plus de secrets pour eux et ils ont la suprématie aérienne totale ; la protection des convois est maintenant bien structurée et les radars ne laissent aucunes chances aux 'loups gris' qui attaquaient essentiellement de nuit, en surface, au canon de 8,8cm.
Dans ces conditions, les pertes sont énormes et atteignent leur paroxysme en Mai 1943 avec 42 U-BOOT disparus en opération avec leurs équipages !
De nombreux sous-marins ne reviennent pas de leur première mission…
En conséquence, les marins de métier devenant rares, le remplacement des équipages perdus est de plus en plus difficile et ce sont de très jeunes gens sans aucunes connaissances maritime qui s’engagent « pour sauver le Reich », nécessitant un entraînement très long.
Dans ces conditions, le canon de 8,8cm de l’U-766, devenu inutile, est donc déposé et les ingénieurs Allemands ripostent en renforçant l'armement anti-aérien ; la baignoire est élargie pour accueillir deux affûts de deux mitrailleuses de 2cm et une console est ajoutée à l'arrière du kiosque pour recevoir un canon de 3,7cm.
Enfin, le pont métallique est recouvert d'un plancher en chêne car, là aussi, il s’agit de permettre à ce bâtiment d’opérer sur le nouveau théâtre d’opération : car depuis fin 1942 avec, entre autre, le ralliement des colonies à la France Libre, les U-BOOT dont le terrain de chasse s'étendait de la mer du nord à l'Atlantique nord, agissent désormais dans les mers chaudes de l’Atlantique sud et de la Méditerranée où le pont métallique est impraticable pour les marins sous le soleil de plomb.
Ainsi transformé, l’U-766 est affecté à la 6ème Flottille basée à SAINT-NAZAIRE.
Il n'effectuera que 4 patrouilles de combat et ne fera AUCUNE VICTIME.
Pour sa première patrouille opérationnelle dans l’Atlantique nord, l'U-766 quitte KIEL le 9 Mars 1944, fait escale à MARVIKEN du 11 au 21, puis à BERGEN le 22 qu’il quitte le 23 Mars pour rejoindre SAINT-NAZAIRE le 16 Avril 1944, sans avoir croisé la route de la moindre cible...
Sa deuxième patrouille se déroule du 6 au 15 Juin avec la Meute ‘LANDWIRT’ composée de 39 U-BOOT qui forment une ligne de défense entre BREST et BORDEAUX.
La journée en plongée à la recherche des bâtiments Alliés et la nuit en surface, pour recharger les batteries, ils sont continuellement harcelés par les avions du COASTAL COMMAND qui leur infligent de lourdes pertes.
La position devenant intenable et en l’absence du moindre succès, les Loups Gris écourtent la mission et rejoignent leurs ports d’attache le 12 Juin.
Pour sa troisième mission, l’U-766 est transféré de SAINT-NAZAIRE à BREST entre le 26 et le 30 Juillet 1944.
Puis, du 2 au 6 Août, il forment avec l’U-618 le groupe WIESEL chargé d’intercepter les escortes des forces Alliées : sans succès.
Et c’est sa quatrième patrouille qui va le mener inopinément à La ROCHELLE et lui offrir la chance de revivre après la guerre, cette mission étant directement liée à l’évolution de la fin du conflit : face à l’inefficacité de l’armement anti-aérien, les ingénieurs Allemand décident de généraliser l'utilisation du schnorchel, y compris sur les bâtiments déjà en opération, qui permet aux sous-marins de rester en permanence en plongée, les rendant beaucoup plus difficile à repérer.
C’est ainsi que le 8 Août 1944, l'U-766 quitte BREST avec 14 techniciens et des pièces détachées de schnorchel à destination de BORDEAUX où il arrive le 17 Août.
Entre temps, la pression des alliés sur la base sous-marine de BORDEAUX est devenue telle que les U-BOOT doivent évacuer vers la NORVÈGE.
BORDEAUX sera libérée le 28 Août après de durs combats.
L'U-766 appareille le 18 Août en compagnie de l'U-963 et fait route vers le nord.
Le 21 Août, alors qu'il est tout prés de La ROCHELLE, il est repéré par un Wellington Canadien du 407eme ‘squadron’ qui le grenade sévèrement.
C'est avec les lignes d'arbres faussées, les tubes lance torpilles déformés et de légères voies d'eau qu'il entre dans l'alvéole n°4 de la base sous-marine de La ROCHELLE - PALLICE.
Alors que les 9 autres U-BOOT présents quittent La ROCHELLE entre le 23 Août et le 10 Septembre 1944 après avoir été équipés de schnorchel, l'U-766 ne bougera plus jusqu'à la libération de la ville, servant accessoirement de groupe électrogène à la base, alors qu’aucun des 9 autres U-BOOT ne survivra.
Le sort de LA ROCHELLE, et donc celui de l'U-766, s'est joué à partir du 20 Août 1944, lorsque le colonel PREUSSER, nazi convaincu qui commandait la place de La ROCHELLE, est remplacé par un officier de marine d'origine PRUSSIENNE, fils de Pasteur Protestant, l'Amiral Ernst SCHIRLITZ.
Il faut rappeler que c’est le choix d’Hitler de placer sous le commandement d’officiers de Marine les poches de l’Atlantique, transformées en « Forteresses »,
car « Aucun marin ne se rend sans combattre et, lorsqu’il est vaincu, il ne se rend pas, il se saborde. »
Ce qui ne présage rien de bon pour les ports concernés…
A la même période, les résistants de tout le sud-ouest affluent autours de LA ROCHELLE pour "En découdre avec l'ennemi".
Ce sont d'ailleurs EUX qui vont tenir SEULS les premières semaines du siège de la poche de la ROCHELLE.
D’autre part, les troupes Françaises ont débarqué en Provence le 15 Août ; une partie remonte la vallée du Rhône et l'autre remonte le sud-ouest et ne sera opérationnelle à La ROCHELLE que début Octobre.
Dans ces conditions, la situations est explosive : 18700 hommes puissamment armés retranchés dans la ville et sa périphérie face à quelque centaines de résistants mal équipés ....
DUNKERQUE, BREST, LORIENT, SAINT-NAZAIRE et tant d'autres villes portuaires ne sont plus que champs de ruines, mais toujours tenues par les troupes Allemandes ; dans ce contexte, le Général DE GAULLE, qui a comprit l’intérêt vital pour la France de préserver à La ROCHELLE les derniers ports de pêche et de commerce encore intacts, calme les alliés qui veulent continuer à -je cite- "ramollir les poches avec des tapis de bombes"
Rappelons qu’à cette époque la FRANCE est un empire colonial pour lequel les ports sont indispensables à la bonne marche de son économie ; hors, à la ROCHELLE, le port de pêche est le 2eme par ordre d’importance après Lorient (complètement détruit) et le port de commerce est aussi le 2eme sur la façade Atlantique après Dunkerque ! (Complètement détruit également)
Le commandement Français, qui a comprit également l'importance stratégique de La ROCHELLE, décide, avec l'accord officieux du Général DE GAULLE, de tenter une négociation avec l'occupant. C’est le Capitaine de Frégate Hubert MEYER, négociateur dans l'âme, issu d’une famille Protestante ( !! ), qui est désigné et pénètre dans la ville le 6 Septembre pour son premier entretien avec l'Amiral SCHIRLITZ.
Et là, l'improbable se produit : non seulement il est subjugué par la beauté de la ville, mais dès le PREMIER REGARD, quelque chose passe entre ces DEUX MARINS au parcours de vie très proches !
Car malgré l’accueil glacial de l’Amiral, l’émissaire Français ne se laisse pas impressionner. Et après quelques échanges un peu 'rugueux' où les deux hommes se jaugent, l’atmosphère se détend et le dialogue s'installe ; la perspective d'un accord devient envisageable.
Le 18 Septembre 1944, le Général DE GAULLE en visite à SAINTES confirme son soutien à MEYER et renouvelle aux alliés la consigne de ne pas bombarder la ville.
Malheureusement, une bavure dramatique qui s'est produite deux jours plus tôt dans une petite commune de la périphérie de La ROCHELLE, risque de tout compromettre : lors d'un accrochage entre soldats Allemand et Résistants, plusieurs civils sont lâchement massacrés.
C'est donc dans un climat d'extrême tension que MEYER rencontre SCHIRLITZ pour leur troisième entretien le 20 Septembre 1944.
Là, le chef Allemand s'engage immédiatement à diligenter une enquête afin que les auteurs de ce massacre soit punis. (Ce qu'il fit avec pour résultat la condamnation des coupables.)
Mais pas seulement ; très vite, les deux hommes décident que TOUS les résistants portant un brassard marqué 'FFI' seront traités comme des SOLDATS RÉGULIERS et non comme des TERRORISTES. De même, TOUT CIVIL PRIS POUR ESPIONNAGE OU SABOTAGE sera échangé contre des prisonniers de guerre Allemand.
L'Amiral SCHIRLITZ accepte et veillera au respect de cet accord jusqu'à la fin du siège.
C'est lors de cette rencontre, une demi-heure après cet accord inouï, inimaginable quelques semaines plus tôt, que l'Amiral a ces mots qui, à mon sens, l'élèvent au rang de citoyen Européen car ce n'est plus le soldat qui parle, mais l'Homme : "NOUS TRAVAILLONS MAINTENANT POUR NOS ENFANTS."
Certes, la guerre n'est pas finie, mais il est clair que cet homme, marin habitué à voir loin devant, pense à l'avenir de l’Europe et que la vie humaine compte à ses yeux.
Et c'est lui qui clôt l'entretien par ces mots : "ENTRE MARINS, IL EST TOUJOURS FACILE DE SE COMPRENDRE."
MEYER reprendra une partie de cette phrase pour titre du roman relatant ces faits qu'il publiera vingt ans plus tard.
Fort de cette avancée, le commandement Français décide de poursuivre les pourparlers dans l'espoir d'un accord protégeant les civils.
MEYER rencontre SCHIRLITZ le 30 Septembre et, ensemble, ils mettent au point une convention qui fixe des règles simples permettant aux deux camps de guerroyer à leur guise dans une zone de combat parfaitement délimitée par une ligne rouge coté Allemand et bleu coté Français.
Et c'est ainsi que le 20 Octobre 1944, l'Amiral SCHIRLITZ signe la 'CONVENTION d’Octobre' qui va permettre de sauver bien des vies, et dont voici le texte intégral :
IVème RÉPUBLIQUE
FORCES FRANÇAISES DE L’INTÉRIEUR
ÉTAT-MAJOR ADELINE
CONVENTION ;
Dans le but d’éviter la destruction des installations portuaires et urbaines du port de La ROCHELLE - La PALLICE, destruction qui serait inévitable dans un combat, entre les commandements militaires Français et Allemand, il a été convenu ce qui suit :
ARTICLE PREMIER. – Les zones désignées ci-après ne peuvent faire l’objet d’attaques :
- ni par terre,
- ni par mer,
- ni par air,
soit de la part des troupes Françaises, soit de la part des troupes Allemandes.
Les zones en question sont délimitées comme suit :
a) Zone interdite à l’action des troupes Françaises : l’île de RE et une portion de terre ferme limitée, du côté de la mer, par la ligne de basse marée, du côté de la terre, par la ligne indiquée en rouge sur le plan joint en annexe.
b) Zone interdite à l’action des troupes Allemandes : les régions situées à l’est de la ligne figurée en bleu telle qu’elle est indiquée sur le plan joint en annexe.
ARTICLE II. – Dans la zone indiquée au paragraphe 1 a, le Commandement Allemand s’engage à s’abstenir de toute destruction des installations portuaires et urbaines.
ARTICLE III. – Dans la zone indiquée au paragraphe 1 b, le Commandement Français s’engage à ne pas fomenter ou appuyer des mouvements de résistance et des actes de sabotage de la population.
ARTICLE IV. – Dans la zone comprise entre les lignes rouge et bleu sus indiquées, les deux parties contractantes se réservent pleine liberté d’action.
ARTICLE V. – En ce qui concerne l’île d’OLERON, les deux parties contractantes se réservent également pleine liberté d’action.
ARTICLE VI. – Il est convenu que le Commandement militaire Français ne demandera pas l’aide du Commandement allié autour de La ROCHELLE.
Au cas où une telle intervention serait inévitable, il s’engage à dénoncer la présente convention.
ARTICLE VII. – Le délai de préavis de dénonciation est fixé à 4 fois 24 heures à compter de minuit faisant suite au jour de dénonciation.
ARTICLE VIII. – Le présent accord entrera en vigueur le 20 Octobre à zéro heure.
P.C., le 18 Octobre 1944.
Le Colonel ADELINE, Commandant les Troupes Françaises en opération dans le secteur ROYAN – La ROCHELLE.
Signé : ADELINE.
Nota. – La ligne bleu mentionnée dans la convention ci-dessus est jalonnée par :
La Sèvre Niortaise – l’île d’Elle – Taugon – La Ronde – Courçon – Benon – Bouhat – Berges – Le Thou – Ciré – Breuil Magné – Saint Laurent – Fouras.
- La ligne rouge par :
Esnandes – Villedoux – Andilly – Longéve – Sainte-Soulle – Montroy – La Jarrie – Croix-Chapeau – Mortagne – Les Fontaines.
Comme on peut le lire, les choses sont parfaitement claires et la carte jointe permet de bien visualiser l’étendue de la zone concernée.
Carte de la poche de La ROCHELLE suivant la 'Convention d'Octobre'.
Bien que signé par le Colonel ADELINE pour le commandement Français, cet accord n'en est pas moins officieux et secret, ce qui fait courir à MEYER un risque mortel en cas d'indiscrétion ; les combattants Français ne comprennent pas pourquoi ils ne vont pas déloger l'ennemi, ni pourquoi des convois de ravitaillement de La ROCHELLE se mettent en place.
Car dans les clauses de la Convention, l'Amiral SCHIRLITZ a accepté que la population Rochelaise soit ravitaillée par mer sous l'égide de la CROIX ROUGE SUÉDOISE.
Le chalutier MESSIDOR quitte le vieux port de La ROCHELLE après y avoir déchargé des vivres et du bois de 'boulange' ; il évacue des malades et des prisonniers.
Quand aux soldats Allemands, ils assurent leur propre ravitaillement par des sorties en convois armés qui débouchent systématiquement sur des accrochages avec le dispositif Français qui s'est organisé et compte désormais plus de 15000 hommes, de l'artillerie et des chars; il y a des morts, des blessés et des prisonniers dans les deux camps mais PLUS UN SEUL CIVIL FRANÇAIS NE TOMBE SOUS LES BALLES ALLEMANDES.
Participant au siège de La ROCHELLE, l'acteur Jean GABIN pose avec son équipage devant leur Tank Destroyer SOUFFLEUR II.
(2éme peloton, 2éme escadron du RBFM de la 2éme DB.)
............................
Voici pour ceux que l'histoire intéresse un peu, l'épopée méconnue d'un U-BOOT devenu FRANÇAIS le 9 Mai 1945, en assez bon état, lors de la libération de LA ROCHELLE, ville d'histoire miraculeusement épargnée par la guerre.
MIRACULEUSEMENT ???
Pas si sur !
Peu de ROCHELAIS connaissent aujourd'hui les faits qui ont sauvé la ville et ses 14000 habitants, ses trois ports, de pêche, de commerce et de guerre ainsi que toute la flottille de pêche et l'essentiel des infrastructures, alors que la quasi totalité des villes portuaire de l'atlantique ont été détruites par les bombardements allié de juillet à septembre 1944 ou par les combats de libération des poches de l'Atlantique !
Je l'ignorais moi aussi avant de construire ce modèle dont la deuxième vie n'aurait probablement pas été possible SANS la sauvegarde de LA ROCHELLE.
Le vieux port de LA ROCHELLE en 2006
Aujourd'hui, il ne reste que quelques photos, un trèfle à quatre feuilles en laiton et une anecdote de ce bâtiment qui a pourtant rendu de grands services à la Marine Française.
Ce trèfle est exposé dans l'escalier du Mess des Officiers de la base L'HERMINIER à TOULON.
1ére sortie opérationnelle du LAUBIE le 28 Août 1947 au large de La ROCHELLE.
L'U-766 était un U-BOOT de type VII-C standard qui a vu le jour le 29 Mai 1943 à WILHELMHAVEN ; il était en tout points semblable à
l'U-571 dont voici la photo prise le 7 Mai 1942 à La ROCHELLE - PALLICE lors de son retour de chasse.
Sous le commandement de l'Oberleutnant Hans-Dietrich WILKE, l'U-766 intègre le groupe d'entraînement de la 8eme Flottille à DANTZIG le 30 juillet 1943.
En Février 1944, soit plus de 6 mois plus tard, il entre au Kriegsmarine-werf à KIEL pour d'importantes modifications avant son affectation en flottille de combat.
Sur plusieurs points, l'U-766 est emblématique de cette période du conflit et sa courte carrière Allemande est intégralement liée aux événements :
Les Alliés décodent tous les messages Allemands car ENIGMA n'a plus de secrets pour eux et ils ont la suprématie aérienne totale ; la protection des convois est maintenant bien structurée et les radars ne laissent aucunes chances aux 'loups gris' qui attaquaient essentiellement de nuit, en surface, au canon de 8,8cm.
Dans ces conditions, les pertes sont énormes et atteignent leur paroxysme en Mai 1943 avec 42 U-BOOT disparus en opération avec leurs équipages !
De nombreux sous-marins ne reviennent pas de leur première mission…
En conséquence, les marins de métier devenant rares, le remplacement des équipages perdus est de plus en plus difficile et ce sont de très jeunes gens sans aucunes connaissances maritime qui s’engagent « pour sauver le Reich », nécessitant un entraînement très long.
Dans ces conditions, le canon de 8,8cm de l’U-766, devenu inutile, est donc déposé et les ingénieurs Allemands ripostent en renforçant l'armement anti-aérien ; la baignoire est élargie pour accueillir deux affûts de deux mitrailleuses de 2cm et une console est ajoutée à l'arrière du kiosque pour recevoir un canon de 3,7cm.
Enfin, le pont métallique est recouvert d'un plancher en chêne car, là aussi, il s’agit de permettre à ce bâtiment d’opérer sur le nouveau théâtre d’opération : car depuis fin 1942 avec, entre autre, le ralliement des colonies à la France Libre, les U-BOOT dont le terrain de chasse s'étendait de la mer du nord à l'Atlantique nord, agissent désormais dans les mers chaudes de l’Atlantique sud et de la Méditerranée où le pont métallique est impraticable pour les marins sous le soleil de plomb.
Ainsi transformé, l’U-766 est affecté à la 6ème Flottille basée à SAINT-NAZAIRE.
Il n'effectuera que 4 patrouilles de combat et ne fera AUCUNE VICTIME.
Pour sa première patrouille opérationnelle dans l’Atlantique nord, l'U-766 quitte KIEL le 9 Mars 1944, fait escale à MARVIKEN du 11 au 21, puis à BERGEN le 22 qu’il quitte le 23 Mars pour rejoindre SAINT-NAZAIRE le 16 Avril 1944, sans avoir croisé la route de la moindre cible...
Sa deuxième patrouille se déroule du 6 au 15 Juin avec la Meute ‘LANDWIRT’ composée de 39 U-BOOT qui forment une ligne de défense entre BREST et BORDEAUX.
La journée en plongée à la recherche des bâtiments Alliés et la nuit en surface, pour recharger les batteries, ils sont continuellement harcelés par les avions du COASTAL COMMAND qui leur infligent de lourdes pertes.
La position devenant intenable et en l’absence du moindre succès, les Loups Gris écourtent la mission et rejoignent leurs ports d’attache le 12 Juin.
Pour sa troisième mission, l’U-766 est transféré de SAINT-NAZAIRE à BREST entre le 26 et le 30 Juillet 1944.
Puis, du 2 au 6 Août, il forment avec l’U-618 le groupe WIESEL chargé d’intercepter les escortes des forces Alliées : sans succès.
Et c’est sa quatrième patrouille qui va le mener inopinément à La ROCHELLE et lui offrir la chance de revivre après la guerre, cette mission étant directement liée à l’évolution de la fin du conflit : face à l’inefficacité de l’armement anti-aérien, les ingénieurs Allemand décident de généraliser l'utilisation du schnorchel, y compris sur les bâtiments déjà en opération, qui permet aux sous-marins de rester en permanence en plongée, les rendant beaucoup plus difficile à repérer.
C’est ainsi que le 8 Août 1944, l'U-766 quitte BREST avec 14 techniciens et des pièces détachées de schnorchel à destination de BORDEAUX où il arrive le 17 Août.
Entre temps, la pression des alliés sur la base sous-marine de BORDEAUX est devenue telle que les U-BOOT doivent évacuer vers la NORVÈGE.
BORDEAUX sera libérée le 28 Août après de durs combats.
L'U-766 appareille le 18 Août en compagnie de l'U-963 et fait route vers le nord.
Le 21 Août, alors qu'il est tout prés de La ROCHELLE, il est repéré par un Wellington Canadien du 407eme ‘squadron’ qui le grenade sévèrement.
C'est avec les lignes d'arbres faussées, les tubes lance torpilles déformés et de légères voies d'eau qu'il entre dans l'alvéole n°4 de la base sous-marine de La ROCHELLE - PALLICE.
Alors que les 9 autres U-BOOT présents quittent La ROCHELLE entre le 23 Août et le 10 Septembre 1944 après avoir été équipés de schnorchel, l'U-766 ne bougera plus jusqu'à la libération de la ville, servant accessoirement de groupe électrogène à la base, alors qu’aucun des 9 autres U-BOOT ne survivra.
Le sort de LA ROCHELLE, et donc celui de l'U-766, s'est joué à partir du 20 Août 1944, lorsque le colonel PREUSSER, nazi convaincu qui commandait la place de La ROCHELLE, est remplacé par un officier de marine d'origine PRUSSIENNE, fils de Pasteur Protestant, l'Amiral Ernst SCHIRLITZ.
Il faut rappeler que c’est le choix d’Hitler de placer sous le commandement d’officiers de Marine les poches de l’Atlantique, transformées en « Forteresses »,
car « Aucun marin ne se rend sans combattre et, lorsqu’il est vaincu, il ne se rend pas, il se saborde. »
Ce qui ne présage rien de bon pour les ports concernés…
A la même période, les résistants de tout le sud-ouest affluent autours de LA ROCHELLE pour "En découdre avec l'ennemi".
Ce sont d'ailleurs EUX qui vont tenir SEULS les premières semaines du siège de la poche de la ROCHELLE.
D’autre part, les troupes Françaises ont débarqué en Provence le 15 Août ; une partie remonte la vallée du Rhône et l'autre remonte le sud-ouest et ne sera opérationnelle à La ROCHELLE que début Octobre.
Dans ces conditions, la situations est explosive : 18700 hommes puissamment armés retranchés dans la ville et sa périphérie face à quelque centaines de résistants mal équipés ....
DUNKERQUE, BREST, LORIENT, SAINT-NAZAIRE et tant d'autres villes portuaires ne sont plus que champs de ruines, mais toujours tenues par les troupes Allemandes ; dans ce contexte, le Général DE GAULLE, qui a comprit l’intérêt vital pour la France de préserver à La ROCHELLE les derniers ports de pêche et de commerce encore intacts, calme les alliés qui veulent continuer à -je cite- "ramollir les poches avec des tapis de bombes"
Rappelons qu’à cette époque la FRANCE est un empire colonial pour lequel les ports sont indispensables à la bonne marche de son économie ; hors, à la ROCHELLE, le port de pêche est le 2eme par ordre d’importance après Lorient (complètement détruit) et le port de commerce est aussi le 2eme sur la façade Atlantique après Dunkerque ! (Complètement détruit également)
Le commandement Français, qui a comprit également l'importance stratégique de La ROCHELLE, décide, avec l'accord officieux du Général DE GAULLE, de tenter une négociation avec l'occupant. C’est le Capitaine de Frégate Hubert MEYER, négociateur dans l'âme, issu d’une famille Protestante ( !! ), qui est désigné et pénètre dans la ville le 6 Septembre pour son premier entretien avec l'Amiral SCHIRLITZ.
Et là, l'improbable se produit : non seulement il est subjugué par la beauté de la ville, mais dès le PREMIER REGARD, quelque chose passe entre ces DEUX MARINS au parcours de vie très proches !
Car malgré l’accueil glacial de l’Amiral, l’émissaire Français ne se laisse pas impressionner. Et après quelques échanges un peu 'rugueux' où les deux hommes se jaugent, l’atmosphère se détend et le dialogue s'installe ; la perspective d'un accord devient envisageable.
Le 18 Septembre 1944, le Général DE GAULLE en visite à SAINTES confirme son soutien à MEYER et renouvelle aux alliés la consigne de ne pas bombarder la ville.
Malheureusement, une bavure dramatique qui s'est produite deux jours plus tôt dans une petite commune de la périphérie de La ROCHELLE, risque de tout compromettre : lors d'un accrochage entre soldats Allemand et Résistants, plusieurs civils sont lâchement massacrés.
C'est donc dans un climat d'extrême tension que MEYER rencontre SCHIRLITZ pour leur troisième entretien le 20 Septembre 1944.
Là, le chef Allemand s'engage immédiatement à diligenter une enquête afin que les auteurs de ce massacre soit punis. (Ce qu'il fit avec pour résultat la condamnation des coupables.)
Mais pas seulement ; très vite, les deux hommes décident que TOUS les résistants portant un brassard marqué 'FFI' seront traités comme des SOLDATS RÉGULIERS et non comme des TERRORISTES. De même, TOUT CIVIL PRIS POUR ESPIONNAGE OU SABOTAGE sera échangé contre des prisonniers de guerre Allemand.
L'Amiral SCHIRLITZ accepte et veillera au respect de cet accord jusqu'à la fin du siège.
C'est lors de cette rencontre, une demi-heure après cet accord inouï, inimaginable quelques semaines plus tôt, que l'Amiral a ces mots qui, à mon sens, l'élèvent au rang de citoyen Européen car ce n'est plus le soldat qui parle, mais l'Homme : "NOUS TRAVAILLONS MAINTENANT POUR NOS ENFANTS."
Certes, la guerre n'est pas finie, mais il est clair que cet homme, marin habitué à voir loin devant, pense à l'avenir de l’Europe et que la vie humaine compte à ses yeux.
Et c'est lui qui clôt l'entretien par ces mots : "ENTRE MARINS, IL EST TOUJOURS FACILE DE SE COMPRENDRE."
MEYER reprendra une partie de cette phrase pour titre du roman relatant ces faits qu'il publiera vingt ans plus tard.
Fort de cette avancée, le commandement Français décide de poursuivre les pourparlers dans l'espoir d'un accord protégeant les civils.
MEYER rencontre SCHIRLITZ le 30 Septembre et, ensemble, ils mettent au point une convention qui fixe des règles simples permettant aux deux camps de guerroyer à leur guise dans une zone de combat parfaitement délimitée par une ligne rouge coté Allemand et bleu coté Français.
Et c'est ainsi que le 20 Octobre 1944, l'Amiral SCHIRLITZ signe la 'CONVENTION d’Octobre' qui va permettre de sauver bien des vies, et dont voici le texte intégral :
IVème RÉPUBLIQUE
FORCES FRANÇAISES DE L’INTÉRIEUR
ÉTAT-MAJOR ADELINE
CONVENTION ;
Dans le but d’éviter la destruction des installations portuaires et urbaines du port de La ROCHELLE - La PALLICE, destruction qui serait inévitable dans un combat, entre les commandements militaires Français et Allemand, il a été convenu ce qui suit :
ARTICLE PREMIER. – Les zones désignées ci-après ne peuvent faire l’objet d’attaques :
- ni par terre,
- ni par mer,
- ni par air,
soit de la part des troupes Françaises, soit de la part des troupes Allemandes.
Les zones en question sont délimitées comme suit :
a) Zone interdite à l’action des troupes Françaises : l’île de RE et une portion de terre ferme limitée, du côté de la mer, par la ligne de basse marée, du côté de la terre, par la ligne indiquée en rouge sur le plan joint en annexe.
b) Zone interdite à l’action des troupes Allemandes : les régions situées à l’est de la ligne figurée en bleu telle qu’elle est indiquée sur le plan joint en annexe.
ARTICLE II. – Dans la zone indiquée au paragraphe 1 a, le Commandement Allemand s’engage à s’abstenir de toute destruction des installations portuaires et urbaines.
ARTICLE III. – Dans la zone indiquée au paragraphe 1 b, le Commandement Français s’engage à ne pas fomenter ou appuyer des mouvements de résistance et des actes de sabotage de la population.
ARTICLE IV. – Dans la zone comprise entre les lignes rouge et bleu sus indiquées, les deux parties contractantes se réservent pleine liberté d’action.
ARTICLE V. – En ce qui concerne l’île d’OLERON, les deux parties contractantes se réservent également pleine liberté d’action.
ARTICLE VI. – Il est convenu que le Commandement militaire Français ne demandera pas l’aide du Commandement allié autour de La ROCHELLE.
Au cas où une telle intervention serait inévitable, il s’engage à dénoncer la présente convention.
ARTICLE VII. – Le délai de préavis de dénonciation est fixé à 4 fois 24 heures à compter de minuit faisant suite au jour de dénonciation.
ARTICLE VIII. – Le présent accord entrera en vigueur le 20 Octobre à zéro heure.
P.C., le 18 Octobre 1944.
Le Colonel ADELINE, Commandant les Troupes Françaises en opération dans le secteur ROYAN – La ROCHELLE.
Signé : ADELINE.
Nota. – La ligne bleu mentionnée dans la convention ci-dessus est jalonnée par :
La Sèvre Niortaise – l’île d’Elle – Taugon – La Ronde – Courçon – Benon – Bouhat – Berges – Le Thou – Ciré – Breuil Magné – Saint Laurent – Fouras.
- La ligne rouge par :
Esnandes – Villedoux – Andilly – Longéve – Sainte-Soulle – Montroy – La Jarrie – Croix-Chapeau – Mortagne – Les Fontaines.
Comme on peut le lire, les choses sont parfaitement claires et la carte jointe permet de bien visualiser l’étendue de la zone concernée.
Carte de la poche de La ROCHELLE suivant la 'Convention d'Octobre'.
Bien que signé par le Colonel ADELINE pour le commandement Français, cet accord n'en est pas moins officieux et secret, ce qui fait courir à MEYER un risque mortel en cas d'indiscrétion ; les combattants Français ne comprennent pas pourquoi ils ne vont pas déloger l'ennemi, ni pourquoi des convois de ravitaillement de La ROCHELLE se mettent en place.
Car dans les clauses de la Convention, l'Amiral SCHIRLITZ a accepté que la population Rochelaise soit ravitaillée par mer sous l'égide de la CROIX ROUGE SUÉDOISE.
Le chalutier MESSIDOR quitte le vieux port de La ROCHELLE après y avoir déchargé des vivres et du bois de 'boulange' ; il évacue des malades et des prisonniers.
Quand aux soldats Allemands, ils assurent leur propre ravitaillement par des sorties en convois armés qui débouchent systématiquement sur des accrochages avec le dispositif Français qui s'est organisé et compte désormais plus de 15000 hommes, de l'artillerie et des chars; il y a des morts, des blessés et des prisonniers dans les deux camps mais PLUS UN SEUL CIVIL FRANÇAIS NE TOMBE SOUS LES BALLES ALLEMANDES.
Participant au siège de La ROCHELLE, l'acteur Jean GABIN pose avec son équipage devant leur Tank Destroyer SOUFFLEUR II.
(2éme peloton, 2éme escadron du RBFM de la 2éme DB.)
............................